LMA - Laboratoire de Mécanique et d’Acoustique

IN MEMORIAM - Bernard Nayroles 1937-2019

Le 5 juin 2019

Bernard Nayroles, né en 1937, était ingénieur de l’Ecole Centrale des Arts et Manufactures -Centrale Supelec- (promo 1959). Dans le même temps il recevait une licence en mathématiques de l’Université de la Sorbonne. Cette double formation montrait déjà un goût prononcé pour les aspects les plus théoriques et fondamentaux et les domaines les plus appliqués.

En 1959, il entrait dans l’Enseignement supérieur comme assistant de H. Poncin. Il devint ensuite assistant de R. Mazet à Paris Orsay en 1960. Son sujet de recherche concernait les vibrations des solides en fluage établi. L’étude d’une bibliographie abondante et qu’il considérait de très mauvaise qualité lui donna un certain goût de la remise en ordre et il s’employa sur ce sujet dégager les notions sous-jacentes. Les résultats expérimentaux lui semblant trop précaires il s’orienta sur l’étude de la plasticité essayant de faire une synthèse entre les différentes interprétations de l’écrouissage. Il soutint sa thèse en 1965. Dans ce travail, il présentait un modèle algébrique des structures élastoplastiques avec déjà en perspective le calcul numérique. Dans les années 70, il fit 3 rencontres :
-  celle de C. Mathurin qui le guida vers la recherche d’une plus grande rigueur scientifique et qu’il suivit à Poitiers,
-  celle de la théorie des équations elliptique et des méthodes variationnelles avec P. Brousse,
-  celle de J.J Moreau au congrès de Québec en 1966 qu’il considéra comme une vraie révélation.

Détaché comme chargé de recherche de 1965 à 1967, il devint Maître de Conférences puis Professeur à l’IUT de Poitiers.

En 1973, il fut nommé Directeur du Centre de Recherches Physiques de Marseille suite au départ à la retraite de Th. Vogel. Il fut choisi pour réorganiser le laboratoire, qui prend alors son nom actuel, Laboratoire de Mécanique et Acoustique.

Il mit en place une organisation plus souple et une hiérarchie réduite en rupture avec les anciennes pratiques en cohérence avec les souhaits du CNRS. Son goût pour l’équilibre entre théorie, calcul et expérimentation guidera son action sur la période de direction : "Je souhaiterais voir se constituer naturellement des équipes traitant un programme allant de la théorie la plus abstraite à l’expérience la plus concrète" (Compte rendu du Conseil de laboratoire, 27 septembre 1973). Il contribua à développer les contacts avec les industriels dans une période où le dialogue et les négociations en matière de SPI avec eux étaient difficiles et témoignaient de beaucoup de mécompréhensions réciproques. Cette période a également connu une évolution des pratiques de recherches au LMA avec l’avènement de l’informatique. Bernard Nayroles a apporté au Laboratoire ses propres thèmes de recherche dans le domaine de la mécanique des milieux continus. Il a par exemple créé une équipe "sous-structures et plasticité" spécialisée dans les méthodes de calcul de structures, comme le calcul par éléments finis, d’une plaque viscoélastique chargée périodiquement avec O. Débordes et M. Raous. Il met en place une équipe consacrée à l’Endommagement, la Fatigue et la Fissuration. Dans les actions à visée internationale, on peut noter l’organisation en 1975 avec P. Germain, Secrétaire Perpétuel de l’Académie des Sciences, d’un Congrès de mécanique placé sous l’égide de l’I.U.T.A.M et intitulé "Applications de l’analyse fonctionnelle aux problèmes de mécanique" dont l’originalité était de susciter la rencontre entre mathématiciens et mécaniciens. Paul Germain et Bernard Nayroles soulignent dans leur avant-propos tout l’intérêt d’une telle rencontre : "Les relations entre la mécanique et la mathématique qui furent si étroites dans le passé, au point qu’un progrès dans l’une des disciplines entraînait bien souvent immédiatement un progrès dans l’autre, s’étaient récemment quelque peu relâchées. Chacune avait tendance à s’enfermer dans ses problèmes et à développer des modes de pensée autonomes et un langage propre". L’initiative prise reposait sur la conviction que le moment était favorable pour tenter de remédier à une telle situation.

Parmi ses actions, il a lancé de nombreux sujets nouveaux. A titre d’exemple, on peut citer :
-  l’étude de la tenue à la fissuration sous fatigue oligocyclique des aubes de réacteurs en lien avec l’Onera pour lequel il a créé un groupe de travail avec Michel Jean, Robert Bouc, Giuseppe Geymonat du Politecnico de Turin et Michel Raous qui fera sa thèse sur le sujet,
-  la recherche sur le contact unilatéral et le frottement, qui s’est organisée à l’intérieur d’une équipe renommée.
-  la thermographie infra-rouge, avec Robert Bouc et Jean-Claude Chezeaux, qui fut l’une des premières applications du traitement du signal à l’imagerie et aux mesures de champs en mécanique.

La culture Analyse Convexe acquise auprès de Jean-Jacques Moreau était présente dans nombre de ces travaux. De manière plus générale, Il s’intéressait aussi bien à la Mécanique qu’à l’Acoustique qu’il traitait de manière égale. Il a eu l’audace de revisiter complétement le thème de l’absorption active du son en introduisant la commande en temps réel au moyen de l’informatique, thème qui a fleuri ensuite en particulier grâce à l’action d’Alain Roure. A partir de 1983, Bernard Nayroles va s’impliquer dans le projet IMT. L’idée était alors de créer, à Marseille, sur le site de Château-Gombert, un établissement qui intègre la formation d’ingénieurs, la recherche et le transfert de technologie, le développement industriel et la création d’entreprises. A l’ouverture de l’IMT en 1989, un groupe de recherche du LMA s’y implantera sous la responsabilité d’O. Débordes et de V. Martin. Leurs études porteront sur la modélisation et la résolution numérique de problèmes issus de la mécanique des solides et de la modélisation numérique de la propagation d’ondes mécaniques.En 1985, Bernard Nayroles quitte la Direction du Laboratoire. Membre du Comité National, et Président du Conseil de Département du S.P.I., il quitte Marseille pour Grenoble.

Bernard Nayroles a été un visionnaire non seulement sur le plan scientifique mais aussi sur celui de l’organisation et de la politique de la recherche. La métamorphose de l’organisation du LMA sous sa direction a conduit à un foisonnement d’idées et d’échanges extrêmement productif. Visionnaire aussi en politique de site, il avait pressenti l’importance du regroupement des Sciences de l’Ingénieur sur le site de Château Gombert avec la création de l’IMT. Le transfert du LMA sur le technopôle nécessitera 30 ans de plus et encore beaucoup d’énergie des Directeurs suivants, mais l’idée fondatrice était déjà là. La recherche en Mécanique en France et au niveau international lui doit beaucoup et il fait partie avec Jean-Jacques Moreau, Jacques-Louis Lions, Georges Duvaut, Paul Germain, sans vouloir être exhaustif, de ceux qui ont vraiment marqué la mécanique contemporaine au travers de ses rapports constructifs avec l’analyse fonctionnelle et l’analyse convexe.